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DéC 09

Transfert

 

Elle se sent comme sur un nuage après la première séance. Elle est tombée amoureuse de lui. Alors elle l'appelle tard le soir pour lui dire sa peur. Sa peur qu'il ne sache pas gérer « ça » si elle continue avec lui.
« Ça, c'est l'une des formes du transfert » tente-t-il d'expliquer. Long silence. Alors il croit bon d'ajouter : « Et vous me payez pour gérer ça : pour ne pas tomber amoureux de vous ! » Elle se met en colère. Il essaie autre chose : « C'est peut-être de votre désir dont vous avez peur ? » Il entend ses sanglots. Alors, plutôt que continuer là maintenant, avec lui, il l'invite à chercher de quelle part d'elle-même elle est tombée amoureuse. Et de choisir de revenir ou pas.

 *

Il s'assied en face de moi, bien droit sur le bord du fauteuil. Le regard sombre, la mâchoire serrée. L'air est à couper au couteau soudain.
Je prends une longue inspiration et demande : « Avec quoi venez-vous aujourd'hui ? » Il répond du tac au tac : « J'ai envie de tout exploser ! De vous confronter à vos failles ! » Je sais alors que la séance sera comme un combat, un combat non sanglant. Et que lui a rendez-vous avec son ange.

*

Pour lâcher ce qui ne m'appartient pas et que je prends encore à cœur en séance, celle qui, sans un mot, d'une pression des doigts ou de la paume de ses mains, sait dénouer peu à peu des mémoires anciennes, cette femme aux yeux de biche me suggère d'aller nager le soir. La piscine est fermée ; alors, en rentrant, j'aime prendre le temps d'un détour en forêt sous les averses de l'automne.

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