19
JUI 11

La plus que vive

« Peu de livres changent une vie. Quand ils la changent c'est pour toujours, des portes s'ouvrent que l'on ne soupçonnait pas, on entre et on ne reviendra plus en arrière. »
Ce sont des lignes de Christian Bobin à propos des livres qui, parfois, sont comme des « anges d'appoint ».
Et, tout comme ses autres livres, La plus que vive est un sésame troublant pour aller sur les chemins de soi.

 

« Tu veux savoir qui tu es pour moi, eh bien voilà : tu es celle qui m'empêche de me suffire. J'ai une grande puissance de solitude. Je peux rester seul des jours, des semaines, des mois entiers. Somnolent, tranquille, repu de moi-même comme un nouveau-né. C'est cette somnolence que tu es venue interrompre. C'est cette puissance que tu as renversée. Comment pourrai-je jamais t'en remercier ? On peut donner bien des choses à ceux qu'on aime. Des paroles, un repos, du plaisir. Tu m'as donné le plus précieux de tout : le manque. Il m'était impossible de me passer de toi, même quand je te voyais tu me manquais encore. Ma maison mentale, ma maison de cœur était fermée à double tour. Tu as cassé les vitres et depuis l'air s'y engouffre, le glacé, le brûlant, et toutes sortes de clartés. Tu étais celle-là, Ghislaine, tu l'es encore aujourd'hui, celle par qui le manque, la faille, la déchirure entrent en moi pour ma plus grande joie. C'est le trésor que tu me laisses : manque, faille, déchirure et joie. Un tel trésor est inépuisable. Il devrait me suffire pour aller de "maintenant" en "maintenant" jusqu'à l'heure de ma mort. » p. 101

La plus que vive, Christian BOBIN, Folio, 1999

 

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