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DéC 11

Trois pas de danse

À peine entré, désinvolte comme jamais, il glisse, glisse, là devant moi, sur le parquet. Et il s'élance. Un, deux, trois pas de danse.
Mais ça s'étouffe et ça s'arrête comme c'est venu. Et puis il se pose, désemparé, dans le fauteuil. Nos regards se croisent.
- C'est ce même élan inattendu, me dit-il, qui surgit parfois là-bas, côté boulot. Et côté cœur aussi. Et le même retrait hélas !
- Et du plus loin qu'il vous souvienne, c'était quand l'instant où l'élan de la vie s'est suspendu peut-être ?


Cet instant d'autrefois est là, à fleur de sa peau. Et sa voix se trouble.
C'était une fin d'après-midi. Il sortait de l'école enfantine. Il aimait prendre son vélo et puis, par les sentiers, par les chemins, rejoindre sa maison de l'autre côté du village. Mais ce jour-là, il ne sait ni comment ni pourquoi il s'est retrouvé en compagnie d'elle. Ni comment le temps qui se compte s'est arrêté. Ni pourquoi elle et lui ont tant aimé se parler. De tout et de rien. Se regarder dans les yeux. Se murmurer des rêves de leur âge.
Mais à l'horloge de l'église le temps a continué de filer, de filer. Et soudain, inquiète et chamboulée, surgie de nulle part, criant au délit, sa mère l'a enfin retrouvé.
Et c'est ainsi que de l'élan de la vie il a pris peur à jamais.


***