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AOU 12

Tendre et loufoque

J'ai aimé tourner doucement, tout doucement, au bord des vagues et puis de la cime des montagnes, les pages de ce livre-là. C'est une histoire de l'amour et de la sensualité, du premier amour quand il dure longtemps, longtemps, au-delà des accros du quotidien et des déchirures de la vie. Avec les amours hors-piste et la mort aussi. 
C'est ironique et pétillant, tendre et loufoque. C'est Foenkinos.
L'auteur aussi de La délicatesse.

 

Extraits :
Alice s'habillait toujours trop vite. Je l'implorais systématiquement de me laisser le temps de regarder sa petite culotte.
« Mais je vais être en retard ! » criait-elle.
On devrait interdire aux femmes de crier. Surtout le matin, quand je me débats encore dans l'espoir d'un rêve érotique. Je pensais surtout qu'il fallait que je règle le réveil plus tôt. J'étais absolument d'accord pour voler à mon sommeil les minutes nécessaires à la contemplation des cuisses de ma fiancée. (p. 15-16)

Nous sommes allés chez Ikea, et nous nous sommes disputés chez Ikea. Dans ce grand magasin, ils devraient embaucher un conseiller conjugal. Car s'il existe un endroit où le coeur des couples se révèle, c'est bien là. Je me demande même si tous ces meubles à construire ne sont pas qu'un grand prétexte pour semer la zizanie sentimentale. […] Il y avait un monde fou, un monde composé quasi exclusivement de couples, et nous nous regardions tous discrètement, comme pour comparer nos vies entre les rayons. (p. 82-83)

Je l'ai relevée. Elle continuait à pleurer. C'était la première fois que je me trouvais face à une telle douleur. Cet instant marquerait, pour toute ma vie, mon rapport aux femmes, mais je ne la savais pas encore. Je ne ferais plus jamais rien sans penser à la possibilité de la douleur. Et les bonheurs que je vivrais seraient entachés de cette fragilité potentielle. (p. 109)

Il y a sur les rivages du malheur toutes les conditions pour faire des rencontres majeures. (p 131)

J'ai souffert. Je me suis accroché à quelque chose qui fuyait, dérapait sous les baisers, ma tendresse, et mes tentatives de trouver le vrai. Il y a tant d'enfance dans nos amours : tant de notre enfance. Le mécanisme de mon cœur était parfois si simple et humiliant dans sa névrose translucide. Ma vie était, de ce point de vue, une machine à économiser des séances chez le psy. Car je voulais vivre enfin ce que je n'avais pas vécu. (p. 175)

- Oh s'il te plait ! Laisse-moi sentir tes aisselles.
- Ah, ça faisait longtemps.
- Tu sais comme j'aime ça… c'est ma madeleine de Proust !
- Tu es un maniaque, Fritz.
- Non, je sens tes aisselles, et je revois les plus belles images de toi… (p. 194)

Nos séparations. David Foenkinos. Folio.

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