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AVR 14

Un grain de sel dans un rêve

L'énigme du masochisme. C'est un petit livre à la couverture bleue qu'elle a posé là, sur le meuble, tout à côté du divan.
Je l'aperçois en entrant juste à l'instant où je me demande par quoi commencer la séance ce soir : mon voyage en mélancolie du jour d'hier ? Ou la supervision à Paris 2, demain soir ?
Et je me demande si elle a posé ce livre là pour me provoquer. J'ai aperçu le nom de l'auteur : Jacques André. Et je me souviens que j'avais lu un tout autre livre de lui : L'imprévu en séance.
Je m'allonge sur le divan. Et je commence avec tout ça : le titre du livre bleu et mon dilemme de l'instant : la souffrance d'hier ou de demain soir ?!
- Je n'ai vraiment plus envie de me mettre sur le grill à présent, je lui dis. Ni là-bas avec les étudiants ni ailleurs. Mais je n'ai rien préparé pour demain. Je ne sais pas comment faire, j'ajoute.
Silence.
Je marche dans la forêt et là, devant moi, le sentier est soudain coupé.
C'est mon rêve de la nuit d'avant qui me revient soudain ! Comme une autre énigme. Je l'ai écrit au matin pour ne pas le perdre. Alors je lui raconte la suite.

Un immense chêne est tombé à terre et me barre le chemin. Cet arbre-là n'est pas si vieux pourtant. Qu'est-ce qui a bien pu le terrasser ? je me demande. Et il y a un casque de vététiste sur le sol. Mais ni VTT ni personne sous l'arbre ou à l'entour. Et puis, plus loin, pris entre les branches de la cime, j'aperçois un beau cheval. Je m'approche. Beaucoup de sang coule de son crâne. Il se débat, il est en train de mourir. Mais je ne peux rien faire hélas. Alors je reprends le chemin, je me retourne un instant et puis je continue sur le sentier des bois.
- Qu'est-ce qu'il vous évoque ce rêve ? elle me demande. 
- Rien pour l'instant hélas, je lui réponds ; comme si j'attendais qu'elle me souffle un peu de sens.
Silence.
- Le casque c'est une protection, elle me dit, comme pour ajouter enfin son grain de sel.
Et alors ça ouvre une trappe au fond de ma mémoire, ça fait surgir des images d'avant.
Le casque, le cheval, le chêne
 j'ai repris un à un ces éléments-là du rêve et alors plein d'autres souvenirs enfouis et tristes me sont revenus.
-  Le cheval qui meurt, c'est comme une puissance perdue, elle a ajouté à la fin.
Et c'était l'heure de partir. 

***