04
JUN 15

Qu'est-ce que ça cache ?

– Peut-être que vous cherchez au contraire à m'obscurcir avec tout ça ?

Avant, je croyais qu'elle posait un point d'exclamation à la fin d'une question comme ça ; comme pour me chercher, pour m'agacer. Mais maintenant j'ai compris que c'est moi qui viens la chercher et que c'est une vieille histoire ça. C'est ça, je crois, la "névrose de transfert" : répèter une manière intime, et rigide au fond, d'être en lien. Et le divan ça me va bien pour découvrir ça, parce que je ne la vois pas, parce qu'il n'y a pas trop de parasites alors. C'est comme si je chinais en enfance.

Et elle, même si ça ne se voit pas sur le divan, elle met simplement un point d'interrogation à la fin de sa question. Et cette envie que j'ai peut-être de l'embrouiller, de l'obscurcir, elle me dit ça une fois que j'ai fini de déballer tout mon bordel, toutes mes histoires du moment et toute la confusion qui va avec, et qu'alors je lui demande :

– Vous y voyez sans doute clair, vous, dans tout ce bordel ?!

Et je trouve ça génial son renversement ! Ce n'est pas ce que je dis qui est important ; c'est ce que je ne dis pas. Et pourtant, je ne me censure plus. Et, ce soir, je suis venu avec toutes mes histoires emmêlées et l'envie alors qu'elle m'aide à trouver un fil dans tout ça, qu'elle voit des choses que je ne vois pas. Alors je veux protester un peu mais elle me voit encore venir ; enfin non, je ne sais pas si elle voit ça, et elle ajoute aussitôt :

– Qu'est-ce que vous cachez derrière tout ça ?

Cette question-là ça me rappelle un instant le rituel de la confession. Une drôle d'ambiance ce face à face, dans la pénombre et à genoux. Et puis toutes les bêtises que sur le chemin j'inventais pour le curé. Parce que mes frasques et mes pensées secrètes, moi je les cachais. Un peu contrebandier déjà.

Et ça me met sur une piste cette question-là : Mais qu'est-ce je cache aujourd'hui derrière tout mon bordel ?! Alors je commence à lui dire ce qui, l'instant d'avant, était là mais ne pouvait se dire.

– Nous continuerons la prochaine fois, elle me dit. 

Parce que c'est la fin de la séance.

***

Photo : Archive INA. En mars 1961, les émissions « dangereuses » pour les enfants sont marquées d'un carré blanc qui est placé en bas et à droite de l’écran. Dangereux, ça voulait dire « à caractère violent ou pornographique ». Et moi, c'était ces émissions-là qui m'intéressaient au fond ; mais c'était interdit.