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FéV 19

Avec un magnétiseur ou un chaman

Un des rituels du coaching d'entreprise, c'est la réunion tripartite. Au début du parcours, pour les objectifs, le contrat, et puis tout à la fin pour faire le bilan, donner du feedback, évaluer… Et c'est essentiel, je trouve, de questionner ce rituel-là : Quelle place je prends dans ces réunions-triangle ? À quelle place me fantasme le client ? Et pour quoi je donne du feedback ? Et si ce n'était que mes projections tout ça ? … ?

Quelques lignes ici sur la fin du coaching de Sylvia, la femme qui avait peur d'avoir le syndrome de Stockholm et puis le besoin d'un bébé.
 

Aujourd'hui vous avez posé du rouge très rouge sur vos lèvres et vous avez ajouté du blond dans vos cheveux. Tout ça peut-être parce qu'une fois vous aviez dit en passant « quand on devient mère on n'est plus vraiment femme ! » Et moi je n'avais pas laissé passer ça parce que, finalement, ces mots-là ils ne sont pas de vous. Non, c'est votre mère qui vous dit ça souvent. Vous l'avez prise au mot et peu à peu c'est comme si la mère avait effacé la femme en vous.
Je vous demande si c'est pour ça, le rouge sur vos lèvres aujourd'hui ? Vous dites oui, mais aussi parce que vous attendez une bonne nouvelle : ça marche pour le bébé finalement ! Oui, vous attendez le deuxième.
Je me souviens que, pour vous, il n'y avait pas du tout de rapport entre le corps – qui fait parfois des siennes – et la vie d'âme et pourtant, un beau jour, en même temps que tout le protocole de procréation artificielle qui ne marchait pas, et le travail de parole ici, vous êtes allée voir ailleurs. Oui, vous avez fini par consulter un magnétiseur ou un chaman mexicain, je ne sais pas très bien. Vous non plus d'ailleurs. Mais avec tout ça, ça marche. Et personne ne saura jamais comment ça s'est décoincé au fond. Si ce désir d'enfant c'est bien le vôtre.
Et cette séance-là, aujourd'hui, ce n'était pas vraiment prévu non plus. Non, ce qui était prévu c'était une réunion à la fin du coaching pour faire le bilan avec votre nouveau boss et le DRH. Mais, comme vous vouliez que je vous dise tout ce que je pense de vous, que je vous donne enfin du feedback, moi je vous ai dit de la faire entre vous cette réunion-là, entre vous trois. Et vous avez dit oui parce que ça vous fait une séance de plus ici, à la place de la tripartite.
Alors là, vous faites un peu le bilan. Par vous-même. Vous racontez que vous parlez un peu moins à votre mère à présent. Et puis, ça n'a peut-être pas de rapport, mais vous prenez beaucoup de plaisir à ne plus vous laisser faire par le manager qui vous torturait. Vous aimez beaucoup le torturer à votre tour. C'est très excitant et même jouissif, vous dites. Oui, c'est souvent comme ça dans l'inconscient, je dis. Tout se retourne et se mélange en même temps. Mais quand vous vous entendez dire ce que vous dites vous n'aimez pas trop parce que c'est quand même ambigu toute cette excitation. Ce n'est pas très catholique en tous cas. C'était votre question du début ça, savoir si vous aviez le syndrome de Stockholm, si vous étiez amoureuse de votre bourreau. Je vous demande si vous avez déjà été amoureuse comme ça, d'un homme qui vous faisait plus ou moins mal. Ou vice versa. Je repense à votre prof de patin à glace qui vous donnait une tape sur la tête ou sur les fesses et vous me parlez d'un autre, plus tard. Mais ça n'a pas duré longtemps, vous dites.
On va s'arrêter là, je vous dis, et ça semble vous surprendre. Alors, ça s'arrête vraiment ? vous me demandez. Oui, c'est un coaching, c'était prévu comme ça.

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