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AOU 11

Charnel et animal

À l'ombre des larmes du saule, à fleur d'eau près du moulin, une coccinelle en pèlerinage zigzague entre les mots de ce livre de l'été. Comme si, à pas comptés, à pas menus, elle m'invitait à retrouver un bonheur d'enfance : lire du bout du doigt.

Et ce livre-là parle de la joie sacrée de tracer les premières courbes,
les premières lettres sur les cahiers de l'enfance. Une joie sacrée et un tourment aussi. Un tourment quand le savoir et l'école menacent le lien entre l'enfant et la mère. Ce lien-là, charnel et animal, vorace et exclusif, n'a besoin ni de lettres ni de mots.

Jeanne BENAMEUR est une artiste dentellière qui brode chaque mot, chaque phrase, sur des pages en vélin.


Extrait : « Déjà l'épaule de la petite apprend à se redresser pour faire contrepoids au cartable. On dirait que dans ce rehaussement fragile, elle offre un perchoir à l'oiseau qu'elle ne peut emporter.
Les ailes repliées, la mère suit, sans grâce, entre les flaques du chemin.
Elle ne restera plus devant l'école.
Elle rentrera seule par la même route, le regard tenant encore la petite silhouette devant elle.
Elle la ramène à la maison. Elle installe son fantôme entre les quatre murs. Personne ne lui prendra. Quand le soir reviendra, Luce occupera à nouveau toute sa place. Et la nuit sera là. » page 26.

Les demeurées - Jeanne BENAMEUR - Denoël 2000, Folio 2010

Merci à Eva, dévoreuse et dealeuse de romans et de poésies, pour cette découverte en partage ici : Amour en la demeure

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