28
JUN 17

Un acte manqué presque réussi

– Avec toute cette chaleur, j'hésite ! je lui dis en même temps que je m'allonge sur son divan. Oui, il fait tellement chaud, mais je ne sais pas si ça se fait ici ?
Et elle, forcément, comme elle ne sait pas où je veux en venir, elle me laisse dire. Avant, je voulais toujours qu'elle interagisse avec moi, mais elle n'a jamais vraiment répondu à ça. Et, au fil des séances, j'ai découvert que son silence me permet de trouver à quelle place je la mets quand je dis ce que je dis. C'est une question qu'elle me pose encore quand je m'enferme dans une boucle avec elle, – enfin sans elle puisqu'elle me laisse à mes jeux préférés –, la plainte, la bagarre ou la manigance. Parce que la place que je veux lui donner, et la place que je prends ainsi, mine de rien, c'est aussi la répétition d'une interaction ancienne, plutôt figée et qui finit par me coincer aujourd'hui. C'est ça aussi le transfert.
Et là, ce soir, c'est comme si je lui demandais une permission avec, en même temps, la crainte d'un autre temps qu'elle me dise non ! Alors je finis par lui dire ce que je n'ose pas encore lui dire.

21
JUN 17

Séparation, dépendance et transfert

C'est au square que j'ai aimé préparer la dernière séance de supervision à Paris 2 pour le Master Coaching. Oui, sur le thème de la séparation puisque c'était la fin.
Les années d'avant, je proposais de tricoter le fil existentiel de la finitude, une maille à l'endroit, une maille à l'envers : l'incontournable perte ou disparition de toute chose, l'angoisse plus ou moins consciente qui l'accompagne, et nos stratagèmes intimes pour l'ignorer ou la défier. Mais ça, c'était avant. Aujourd'hui, je préfère travailler "autour de". C'est sur le divan que j'ai appris ça, dans mes traversées sur les chemins de l'inconscient.


Et donc, au square, quelques jours avant la séance, j'ai observé un enfant découvrir des pigeons, essayer de les attraper et, en même temps, hurler « OUASOO… OUASOO », une manière de symboliser ainsi.

Et j'ai l'impression – mais sans doute ai-je projeté –, qu'il voulait non pas les attraper mais les étriper les pigeons. "Ne touche pas ! C'est sale !" lui lançait sa mère. Et moi, je montrais à l'enfant comment, avec des miettes de pain, les attirer un peu.

Tout ça m'a fait penser au jeu de la bobine, ce jeu que Freud observa chez son petit fils, Ernst, et qu'il décrit dans "Au-delà du principe de plaisir" : le "Fort/Da".
Freud vit jouer l'enfant avec une bobine en bois entourée d'une ficelle. Il jetait la bobine par-dessus son lit, elle disparaissait, tout en s’écriant  « o-o-o-o » qui est l'ébauche du mot « fort 
» (« loin » en allemand) ; puis l'enfant tirait sur la ficelle pour faire réapparaître la bobine et la ramenait à lui en s'exclamant « Da ! » (« là »).
Freud relie ce jeu à la situation de l'enfant à cette période : quand sa mère s'absentait pendant de longues heures. Le jeu symboliserait ainsi la disparition et la réapparition de la mère.
Et le jeu serait similaire à un espace psychique dans lequel l'enfant peut faire le lien entre présence et absence, dedans et dehors, lui et les autres… Dans cet espace qui apprivoise le manque, il ne se pose pas la question du vrai ou du faux, et plonge dans un univers singulier entre le réel et l'imaginaire où il peut déplacer, représenter, jouer ses émotions : c’est l'univers symbolique.
Pour Freud, la psyché de l'enfant va se construire sur ce prototype de la maîtrise de la présence-absence (de la mère, du corps).

Et j'ai aussi proposé un atelier sur tout le contraire de la séparation : les dépendances et les addictions.

Et puis encore, pour ceux qui le voulaient, un autre atelier pour tenter d'approcher et puis analyser le transfert qui s'était tissé, avec moi, au fil de l'année.
Trois ateliers en parallèle donc, et séparés. Et c'était bien.

En partage, ici, mes notes pour cette dernière séance.

15
JUN 17

Ce qui ne m'a pas tué hier

– Oulala ! Ça sent super fort chez vous aujourd'hui !, me dit le chasseur de souris quand je lui ouvre la porte ce matin.
Je trouve sa remarque déplacée, intrusive, mais comme il passe ici
tous les quinze jours, au petit matin, pour poser ses appâts et ses pierres à venin, forcément, il connaît bien les coulisses et tous les recoins. Alors il se croit peut-être en intimité.
– Oui, je lui réponds, l'eau d'ici est calcaire et mon fer à vapeur crache des cailloux et fait plein de taches jaunes sur mes chemises de lin ou de popeline.
– Ah oui ? il me dit avec un air un peu inquiet.
– J'essaie de le vidanger avec des sels d'acide citrique et puis aussi du vinaigre d'alcool mais c'est pire.
– Et votre prochain patient, il arrive à quelle heure ? il me demande encore plus intrusif je trouve. 

01
JUN 17

L'histoire sur le bout de la langue

"Dis, des fois, tu pourrais me donner un baiser doux ?" 
Tu me demandes ça parce que, là, je viens de t'embrasser et je vois bien que je fais un peu comme un chien. Oui, je te mords ou je te lèche. Et, des fois, je fais les deux à la fois parce que j'aime beaucoup le goût si particulier de ta peau sur le bout de ma langue et la sensation de ta chair entre mes dents. 
Et donc c'est vrai, ce n'est pas très doux. Mais, jusqu'à présent, je n'avais pas vraiment remarqué ma manière de faire. C'est peut-être par réflexe ou bien écrit dans une mémoire des origines.

Et je me demande s'il existe un art du baiser ? Le donner et le recevoir ? Et comment ça s'apprend alors ?

Moi, si je t'embrasse ainsi c'est aussi parce que de plus en plus souvent tu as Little Snow avec toi. C'est un chien, enfin une jeune chienne, avec un pelage tout blanc, très soyeux, et qui ressemble à un renard des neiges. Et quand vous vous câlinez toutes les deux, je te regarde faire, par en dessous.