29
AOU 17

Un livre à deux

"Dis, ça te dirait d'écrire un livre avec moi ?" C'est Eva qui me propose ça, souvent. Moi, quand elle me dit ça, je la regarde par en-dessous, j'essaie de noyer le poisson (c'est fou cette expression-là) et je reste longtemps sur le qui-vive après.

Je fais ça parce que ça me rappelle une vieille histoire avec mon premier livre, "Dans l'intimité du coaching". C'était avec un cheminot, enfin un coach interne à la SNCF, qui m'avait proposé ça aussi. J'avais fini par accepter mais ça avait été très compliqué pour moi d'écrire avec un autre. Tellement douloureux aussi que parfois j'imaginais tuer ce gars-là. Vraiment. J'avais apporté ça en supervision et mis un peu en scène ma pulsion meurtrière parce c'était un groupe gestaltiste. Et le superviseur de l'époque, un peu dépassé je crois, m'avait dit que je mélangeais le réel et mes fantasmes. Ça m'avait un peu calmé mais j'en étais resté là avec ma rage au fond. 

C'était il y a presque dix ans. Eva, je n'ai plus du tout envie de la tuer (avec tous mes séjours sur le divan et aussi le travail d'écriture, je suis remonté à la source de ce fantasme-là, je crois) ; elle n'est ni cheminote ni coach, parce qu'elle n'aime pas tout ce qui va sur des rails, mais c'est toujours à vif ces questions d'écriture à deux. Ça doit me renvoyer à quelque chose de profond, de très archaïque peut-être, autour de la rivalité. Et c'est justement l'un des sujets du livre qu'elle a envie d'écrire avec moi. Oui, comment chacun peut mettre de côté ses jeux névrotiques mortifères pour vraiment créer ensemble sur la scène de l'entreprise et sur le fil de l'Eros. Un peu comme on danse ensemble, mais sans que ce soit forcément sexuel. Moi, j'aime beaucoup danser avec elle mais, pour l'écriture, je n'ai pas besoin de ça, je crois. Non, je préfère écrire de mon côté, sur mon blog. Et puis des fois on me passe une commande, pour un ouvrage collectif, genre "Le grand livre" ou "Le livre d'or", du coaching ou de la supervision. Et même si ce n'est pas collectif ce genre d'ouvrage (parce que chacun écrit pour soi et sans confrontation), ça me va bien comme ça, même si c'est sans doute auto-érotique et que ça tourne de plus en plus en rond, surtout avec mes histoires d'enfance et de chiens.

23
AOU 17

A double sens

Avant, quand j'apportais sur le divan mes rêves de la nuit, j'attendais que ma psy les décode, les interprète. Mais elle n'en faisait rien. Je croyais qu'elle avait des cartes secrètes de l'inconscient et qu'elle jouait aux devinettes avec moi. Alors je grognais, je m'enrageais contre elle. Et ça c'était déjà toute une histoire. C'était même un mode relationnel. Oui, attendre de l'autre un peu ou beaucoup, être frustré et puis ruminer... Et donc je revenais à mon rêve, je lui racontais et j'ai fini par comprendre que c'est vraiment mon récit, avec tous les trous dedans, mes hésitations, les double sens, mes évocations libres, c'est tout ça au fil de la séance et dans l'après-coup qui ouvre des pistes nouvelles. 

15
AOU 17

Article 353 du code pénal

Je ne sais pas pour vous, mais c'est compliqué, c'est sensible de choisir un roman je trouve. Ne serait-ce que parce qu'on va passer beaucoup d'heures ensemble. Entre les pages. C'est comme une nouvelle rencontre aussi, ça peut chambouler. Alors moi j'ai toujours un peu d'appréhension au moment de chercher !

Ce livre de Tanguy VIEL - Article 353 du code pénal – je l'ai trouvé au bord de la mer, enfin dans une petite ville du bord de l'océan, une citadelle au début de la route des Indes. Et j'ai beaucoup aimé cette rencontre-là, et toutes les heures ainsi. Il y a l'histoire bien sûr, mais on en connaît la trame dès les premières pages : un type est balancé au beau milieu de la mer, avec ensuite l'inculpation de l'auteur du meurtre, celui qui parle tout au long du livre (c'est curieux, l'auteur d'un meurtre et l'auteur d'un roman, c'est le même mot.) Et, là, c'est devant un juge, plutôt silencieux d'ailleurs, juste quelques questions pour l'article 353. Et tout le livre c'est un peu comme on se parle à soi. Enfin à soi, mais en présence d'un autre. Sans trop de ruminations ni de faux-semblants alors.

Et, même si ça n'a rien à voir, ça m'a fait penser au divan et c'est peut-être pour ça aussi que j'ai aimé. D'ailleurs, il y a un passage dans le livre ainsi :

« Le juge n’a pas bougé. À force, j’ai cru que j’étais dans le bureau d’un psychologue ou quelqu’un comme ça, à force de le voir immobile sans réponse, les mains jointes sous le menton, et parce qu’à mesure des heures qui passaient, j’avais l’impression qu’il me demandait de creuser à l’intérieur de moi comme l’aurait fait un psychologue, de tout déterrer jusqu’à la poussière des os pourvu de faire de la lumière et encore de la lumière et sans se demander si à force de trop de lumière, oui, les gens comme moi, ça ne pouvait pas les rendre aveugles. »

Donc, ça se passe à Brest, avec l'Arsenal qui est en train de fermer et un promoteur immobilier qui arrive comme une providence…

Une fois le livre refermé, j'ai voulu en savoir un peu plus sur l'auteur. Interview :
« Oui, j'aime bien mettre des zooms sur des endroits de l'existence. Il y a à la fois des pans psychologiques des gens qui sont faits pour être dominés, passifs ou mélancoliques, et en même temps il y a la malchance. Comment savoir ce qui, dans un caractère, produit ce hasard, cette mélancolie. Il y a des boucles comme ça. C'est vrai que j'ai tendance à pousser un peu les curseurs pour que les personnages soient assez chargés de difficultés à vivre et d'un peu de malchance. »
« Moi, ce qui m’intéresse, c’est juste deux ou trois endroits un peu théâtralisés : la famille, l’argent, la ville, les petits réseaux, la province. Ça me va car c’est un univers comme une sorte de maquette où je fais évoluer mes personnages. »
Interview par François Lestavel (Article 353 du code pénal, de Tanguy Viel, un roman de haute volée !)

07
AOU 17

L'invention de la psychanalyse

C'est les vacances, là, alors je suis plutôt « off », non pas pour faire genre « digital detox » mais parce que ça prend du temps le bricolage, l'écriture, les instants Mojito, la lecture, les balades… Donc juste cette note de blog pour vous indiquer un film réalisé il y a pas mal de temps, diffusé sur ARTE et vraiment passionnant : Sigmund Freud - L'invention de la psychanalyse.

Un extrait :
« Ne me parlez pas, dit-elle. Ne me touchez pas, écoutez-moi ! »
C'est en 1889 qu'une patiente, Fanny Möser, ordonne ainsi à Freud de s'écarter d'elle et de ne plus bouger. « J'abandonnais donc l'hypnose et ne retins d'elle que la position couchée du patient sur un lit de repos derrière lequel j'étais assis, de sorte que je le voyais mais sans être vu de lui. » raconte Freud.
« Il invente le divan. Il se retire pour que ce soit la parole qui devienne l'acte thérapeutique elle-même. Il n'y a plus rien, plus de magnétisme, plus d'hypnose, plus de regard, il n'y a plus que la parole. C'est beaucoup plus intéressant que d'aller chercher dans l'Inconscient endormi. Et les patients prennent donc l'habitude de raconter leurs souvenirs d'enfance, leurs fantasmes. » C'est Elisabeth ROUDINESCO qui commente, là. Et qui ajoute :
«Passionné par ses découvertes, Freud laisse le sujet parler librement. En écoutant cette parole chaotique, il assigne à la sexualité une place fondamentale : elle détermine la vie psychique. La névrose n'est pas une maladie insolite, mais la conséquence partagée de beaucoup de conflits infantiles non résolus. »