21
MAI 09

La grâce d'un visage

Notre métier nous invite à écouter et aussi, quand il y a simplement le silence, à contempler. En séance et aussi ailleurs…

Son visage se reflète dans la glace devant moi. J'aime redécouvrir ses traits, la contempler. Il parait qu'il n'est pas très poli d'observer l'autre dans les glaces.
Elle a de très longs cils. Elle me fait penser aux femmes des peintures de Botticelli. Parfois ses lèvres entrouvertes dessinent un sourire. Peut-être suffit-il de quitter le besoin, ou la peur, du regard des autres sur soi pour enfin découvrir l'autre.
D'où vient la grâce d'un visage ? Elle semble plongée dans ses pensées. J'ai envie de savoir.
Elle sait que je pose des questions étranges parfois !
« Je me demande si vous voyagez dans votre monde intérieur en ce moment ou dans la journée, parfois ? »
Elle interrompt son geste, le peigne dans une main, les ciseaux dans l'autre. Elle me regarde dans la glace, sourit et répond : « Non, je suis vraiment concentrée sur ce que je fais. Vous savez, j'ai des ciseaux dans les mains ! Alors, si je voyageais dans mes pensées, je risquerais de vous blesser ! »
Elle retourne, attentive, appliquée, à son travail d'artisan.
C'est la fin de l'après midi
. Le soleil entre généreusement dans le salon. Jeux d'ombre et lumière, à travers ses cheveux, sur son visage penché derrière moi.
Elle s'arrête soudain, me regarde dans la glace et me dit à voix basse : « Quand je fais un shampoing, c'est comme un massage. Alors là, oui, je m'abandonne un instant à mes pensées, à mon monde intérieur ! »
Étranges résonances alors autour de ses mots. Depuis quelques jours, j'ai envie de m'initier à l'art du massage. Apprendre à masser l'autre, l'être aimé, pour qu'il s'abandonne. Mais, en cheminant dans mon monde intérieur, en bonne compagnie, j'ai découvert que cette envie de s'abandonner, en confiance, parle d'abord de moi, peut-être !

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