09
OCT 11

Traces d'enfance

Sur le chemin de l'atelier, il y a aussi une galerie d'art dans laquelle j'aime parfois m'arrêter.
Et, en ce moment, s'exposent de drôles de bonshommes, un peu biscornus, un peu déglingués, qui semblent venus tout droit de l'enfance.
Parce que pour leur auteur,
Jean-Claude TARDIVO, « les premières traces laissées par un enfant, inscrites en mémoire fondamentale, sont la genèse d'une démarche artistique en promesse d'exister. »
Et
parce que ces traces-là nous suivent à jamais comme une douce lumière.


Tardivo, un peintre différent

"Quand on demande à Tardivo : « À quel moment êtes-vous devenu peintre ? », il répond non sans malice : « À ce moment-là. »
« Ce moment-là », c'est à deux ans et demi.
Armé d'un crayon et d'un papier, sur un coin de table, il fait ses premiers « gribouillis ». Comme tous les enfants. À cette différence près que lui, depuis, ne s'est pas arrêté. De gribouillis en bonshommes-têtards, de bonshommes-têtards en Géants, de Géants en Vénus, de Vénus en Dames, de Dames en Cousins-de-bonshommes-têtards, Tardivo, sur le papier, le carton, le bois ou la toile, n'a pas cessé de gribouiller. Année après année, il a acquis des techniques de plus en plus complexes, tout en affirmant, par choix autant que par goût, une gestuelle de plus en plus décomplexée.
« Quand j'ai l'impression d'avoir exploré un territoire, confie-t-il, je reviens à mon bonshomme-têtard. Il me sert de repère. Les premières traces laissées par un enfant, inscrites en mémoire fondamentale, sont la genèse d'une démarche artistique en promesse d'exister. »
Une démarche artistique que nourrit un autre aspect plus spécifique du vécu du peintre.
Tardivo n'a pas seulement été un enfant.
Il a été, et il reste, un jumeau.
Dès la naissance, il a connu ce paradoxe d'être à la fois un être-moitié et un être-double, source chez celui qui en est l'objet de privilèges autant que de privation.
Michel Tournier, dans son livre « Les Météores » analyse avec subtilité les effets du « cocon gémellaire ». En particulier l'usage entre jumeaux d'un langage qu'il baptise « l'éolien ».
Tardivo, enfant, a pratiqué l'éolien.
Il a connu, par mimiques, signes et divers sons vocaux, la parfaite communication avec « l'autre ». Et, par voie de conséquence, l'isolement d'avec « tous les autres ». Ceux qui n'étaient pas son jumeau. Ceux qui offraient, à ses yeux tourmentés d'enfant déjà peintre « un réel grand mystère ».
Mystère aujourd'hui encore non résolu. D'où l'aspect multiple et fantasque des créatures qui peuplent son univers.
Difformes, biscornus, déglingués, nus ou vêtus d'oripeaux flamboyants, ses personnages ne cessent depuis qu'il a commencé à peindre de se transformer. Ils sont les avatars d'un même être insaisissable qu'il poursuit depuis l'enfance afin de trouver la réponse à cette unique question : « Qui est l'autre ? »
Paradoxe intime et douloureux du créateur. Parce que Tardivo, enfant, a connu la sensation de n'être pas seul, il s'entoure toile après toile, d'un nombre toujours renouvelé de créatures imaginaires. Parce que Tardivo, enfant, a cru avoir un parfait semblable, il cesse de s'affirmer dans sa démarche artistique un peintre différent."
Françoise MARVIER

Exposition du 29 septembre au 22 octobre 2011 : Fondation TAYLOR - 1, rue La Bruyère, 75009 Paris

Le site de Jean-Claude TARDIVO : www.jctardivo.com

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