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AVR 09

Un café gourmand

C'est un restaurant parisien qui ressemble à un palais merveilleux. J'aperçois l'opéra Garnier à travers les fenêtres. Le soleil de printemps enveloppe notre table.
En déposant les assiettes, la jeune femme nous souhaite « Bonne dégustation ».

Il me raconte sa réunion du matin avec la spécialiste de la formation : il cherchait un stage innovant pour les commerciaux. Un atelier qui susciterait des déclics en cette période de crise : « comment redécouvrir chaque client, explorer ses besoins, créer du sur mesure plutôt que vendre des produits sur catalogue ? » Mais son interlocutrice n'avait que des stages sur catalogue !

Il dirige une filiale dans le monde des technologies. Il y a deux ou trois ans, il m'avait sollicité pour un séminaire de direction. Et depuis, aux premiers beaux jours, nous aimons partager un déjeuner, simplement pour le plaisir.
Je fais écho à son envie : « C'est comme si vous demandiez aux commerciaux  de devenir anthropologue ?! » Il me regarde amusé et interrogatif. J'évoque alors le Petit Prince : quand celui-ci rencontre le businessman, le géographe ou le roi, il les questionne à partir de sa propre planète. Un anthropologue aurait peut-être découvert tout autre chose ?!
Alors il me taquine : « Et il n'y a pas de divan sur la planète du businessman, du roi ou du géographe ! Et le Petit Prince n'était pas un psy ! »
La serveuse revient avec la carte : « Souhaitez-vous choisir un dessert ? »
Il hésite puis demande : « Auriez-vous un café gourmand ? »
Elle fait non de la tête et suggère le millefeuille du jour, savoureux et léger. A regret, il commande simplement un café et ajoute à voix basse : « Là aussi les produits sont sur catalogue ! »
Je le sais gourmand et j'ai envie de jouer.
La serveuse revient avec les cafés. Je l'interroge : « Ce serait comment, pour vous, un café gourmand ? »
Elle reste un instant bouche bée. Je remarque son prénom écrit sur son chemisier. Elle répond : « C'est un café accompagné de mignardises. Nous n'en faisons pas, mais je pourrais découper un millefeuille pour vous deux. »
La jeune femme une fois partie, il poursuit l'analogie avec son entreprise, le banal qui tue la créativité !
Je l'interromps : « Savez-vous qu'elle se prénomme Melinda ? »
A cet instant, la jeune femme pose une assiette avec des mini macarons, au chocolat, à la vanille, à la pistache.
Et elle ajoute avec un sourire : « Je les ai choisi au bar, pour vous deux ! ».