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NOV 08

Yalom, d'autres histoires de psychothérapie

« Où sont vos pensées, Myrna ?
- Je pense que je suis piégée. Je pense à partir en Alaska où la proportion entre le nombre d'hommes et de femmes est plus favorable. Ou à faire une école de commerce - la proportion est bonne, là aussi.
- Restez ici dans la pièce avec moi, Myrna. Qu'est-ce que ça vous fait d'être là, aujourd'hui ?
- Qu'est-ce que vous voulez dire ?
- La même chose que d'habitude. Essayez de parler de ce qui se passe ici, entre nous.
- C'est frustrant ! Encore cent cinquante dollars d'envolés et je ne me sens pas mieux.
- J'ai donc à nouveau échoué aujourd'hui. Je vous ai pris votre argent sans vous aider. Dites-moi un peu, Myrna ; voyons si, en revenant sur cette heure que nous venons de passer, vous pourriez répondre à cette question : Qu'aurais-je pu faire aujourd'hui ?
- Comment le saurai-je ? C'est pour ça qu'on vous paye, non ? Et de jolies sommes !
- Je sais que vous ne le savez pas, Myrna, mais je veux que vous plongiez dans votre imagination. En quoi aurais-je pu vous aider aujourd'hui ?
- Vous auriez pu me présenter à un de vos patients riche et célibataire.
- Est-ce qu'il y a marqué "Agence matrimoniale" sur mon T-shirt ? »

 

C'est par ce dialogue que commence Double exposition, l'un des six contes de psychothérapie du livre d'Irvin Yalom publié cet été chez Galaade Editions : La malédiction du chat hongrois.

Après un acte manqué du docteur Yalom, alias Ernest Lash, Myrna le mettra à la torture. Elle lui fera vivre « son pire cauchemar de thérapeute », le poussera aux limites de sa pratique en jouant avec son contre-transfert, en allant pleinement dans l'ici et maintenant…

De séance en séance, l'analyste et écrivain nous plonge alors dans un mini-thriller avec le même brio que Mensonges sur le divan : manipulation, pensées secrètes et dialogues intérieurs du patient et du thérapeute, confrontation avec un psy orthodoxe, débat en groupe de pairs…

Dans ces nouvelles, le romancier partage aussi ses parti-pris théoriques, rejette les protocoles formatés et les modèles bien établis, par exemple la courbe du deuil de Kübler-Ross. Nous découvrons alors les méandres, les ressorts imprévisibles de chaque thérapie, comme un voyage inédit.
Yalom nous parle aussi de lui-même, de ses jugements, de ses zones d'ombre, de ses apprentissages, de sa passion pour le féminin.
Les femmes qui sont au centre de chaque histoire : la mère nourricière qui donne et se donne jusqu'à se perdre, la célibataire désirante et non désirée, la veuve inconsolable, la maîtresse voluptueuse et initiatrice de l'amour…
Comme dans Le bourreau de l'amour, Yalom nous parle aussi des angoisses existentielles des êtres humains qu'il accompagne : la solitude, la maladie, la mort, l'absurde de la vie.

Attention ! Vous ne trouverez pas ce livre au rayon Psychanalyse de votre librairie. Il est classé en Littérature et touche ainsi un public qui ne connait ou n'aime pas le divan mais qui, finalement, tranquillement, « trouve sa place dans ce livre
».

Un livre à s'offrir et offrir !

Lire aussi : Yalom, un conteur au cœur de l'être.