20
OCT 15

C'est presque l'hiver

L'autre matin, j'allais acheter des croissants ou des crêpes peut-être (je savais pas trop encore ce que j'allais choisir), et soudain sur le chemin je vois une immense affiche avec le mot VAGGINS.

C'est écrit comme ça sur la vitrine de la pharmacie : en majuscules, avec deux G et au pluriel. C'est quand même trop bizarre je me dis que l'apothicaire ait écrit ce mot comme ça, au pluriel et avec une faute (les deux G). Et en plus c'est à l'encre verte et sur fond bleu ; ça va pas du tout avec ce mot-là ces deux couleurs. Esthétiquement, je veux dire. Il doit y avoir un bug ? (je sais bien qu'à l'heure des croissants, je suis encore sur la fréquence des rêves mais, là, je suis bien réveillé.)

Alors je m'arrête un instant devant l'officine. Mais je n'arrive vraiment pas à lire autre chose. Pendant un instant j'imagine un truc genre transhumanisme, quand les humains remplaceront leurs organes un par un et à volonté. Et puis, sans trop savoir ni pourquoi ni comment (ou peut-être parce que je sens bien que c'est presque l'hiver ce matin-là et donc la saison des grippes aussi), soudain à la place de vaggins, je vois, je lis, le mot VACCINS. Et, justement, le pharmacien parle aussi de la grippe et de tous ses remèdes sur son affiche.

C'est la première fois que ça m'arrive ce genre de trouble de la perception. Et je sais pas trop pourquoi. Et même s'il n'y a pas de rapport (en tout cas pas consciemment), à la boulangerie j'ai aimé choisir plutôt des crêpes (peut-être parce que c'est chaud et onctueux).

Le soir de ce jour-là, j'avais aussi une séance sur le divan, alors j'ai commencé à évoquer ça. « Et vous avez lu VAGIN ! ». Avant que je termine mon histoire du matin, ma psy a mis aussi ce mot à la place de vaccin. Comme si elle était pas du tout étonnée. Mais c'était la fin de la séance alors j'ai pas pu aller plus loin avec elle, enfin, pour élaborer sur mon trouble.

Mais c'est pas grave parce que c'est souvent dans l'après-coup d'une séance que d'autres choses surgissent aussi. Et, en sortant, je me suis rappelé que la fois d'avant j'avais parlé de ma peur d'être empoisonné par la femme (magie noire et histoires louches, dans la famille de mes parents, l'empoisonnement c'était pas vraiment une légende). "C'est un fantasme, une terreur, des petits enfants", avait dit ma psy. (L'un n'empêche pas l'autre, moi je me suis dit.) "C'est la peur de la castration", elle avait ajouté. Alors peut-être que ce matin-là, j'en étais encore à imaginer que je trouverais en pharmacie un vaccin contre les vagins empoisonnés (enfin, contre les femmes castratrices).

J'ai aussi repensé à "vagina dentata". C'est un truc de psy pour parler de cette peur-là qu'ont les hommes de se faire manger par les femmes. Alors je suis allé sur Google pour en savoir un peu plus. (Là, je me rappelle aussi qu'un soir j'avais dit à ma psy : "Il y a pas Google sur votre divan !" C'était pas attaquant, c'était juste un mot d'esprit. Et elle, du tac au tac, elle m'a lancé : "Oui, comme ça, ça vous permet de penser par vous-même." Les mots d'esprit c'est aussi l'une des fréquences sensibles de l'inconscient alors ça peut paraître castrateur sa réplique, là. Parce que cette peur-là, je la déplace aussi sur elle. C'est ça le transfert. Des fois, par exemple, j'imagine qu'avec ses théories de psy, elle m'inocule une manière de penser, et surtout le sexe. C'est comme ça qu'elle m'empoisonne alors. "Vous n'avez pas vraiment besoin de moi pour penser à ça", elle me dit alors).

Et donc, sur le web, pas sur son divan, j'ai trouvé plein d'histoires à faire peur, avec des vampires et des succubes. Et il paraît que ce mythe-là se retrouve dans de nombreuses cultures et qu'il est souvent véhiculé "par des apologues préventifs pour décourager les hommes de commettre un viol et pour mettre en évidence le risque des rapports sexuels avec des personnes inconnues ou « étranges »."
Bon, si je pense par moi-même, là, si je pense à moi tout simplement, à cette histoire de vaccins et de vaggins empoisonnés, j'imagine que ma peur, supposée ou inconsciente, ancienne ou refoulée, du sexe de la femme, elle est aussi à la hauteur de mon désir de transgression. Oui, parce que plus je parle de mes fantasmes, sur le divan, et plus j'ai de fantasmes après. Et ça devient vraiment gênant, et déroutant aussi, – genre ce trouble de la vision sur le chemin des croissants. Et pourtant ça se passait pas du tout comme ça avant : oui, quand j'évoquais une terreur ancienne ou un désir ça s'apaisait au fil des séances. Mais là, c'est pire !
C'est peut-être simplement le "retour du refoulé". Il me faut être patient peut-être.

*

Moi qui aime revenir aux sources, je crois bien que l'origine des blogs c'est le journal intime mais, si je continue comme ça, là, avec mes peurs d'enfant emmêlées à l'histoire familiale et le retour du refoulé, il va falloir que je me crée un pseudo et un autre blog.