02
NOV 16

Un manager à nu #2

"Analystes et écrivains sont des rôdeurs de frontières, le domaine qu'ils fréquentent et dont ils reviennent avec des mots vivants n'appartient à personne, et le temps des urgences et des délais, des commencements et des fins, n'y a pas cours." C'est François Gantheret, qui écrit ça dans son essai "La nostalgie du présent".

Ce psychanalyste-là aime passer tour à tour du fauteuil à sa table d'écriture, et c'est aussi ce voyage-là que Yvon Alamer a aimé entreprendre dans son ouvrage "Un manager à nu".
Il n'est pas du tout psy, Yvon, 
non c'est « un mec qui est plus ou moins cadre dirigeant dans une grande société qui vend de l'image et du bien-être » dit-il, et « un mec qui n'a pas beaucoup profité de son enfance, qui a fait des études, marié (avec une femme), trois enfants (de la même épouse), plus ou moins tous ados » il ajoute.
M
ais, avec une séance chaque semaine à l'atelier, il est devenu un peu "analysant" et il a attrapé le goût des mots, des mots parlés et des mots écrits.

Deux ou trois extraits de son livre, en partage, là.

 

« Dans le coaching-projet traditionnel, le patient (il est malade ?) a un mois pour travailler et digérer entre chaque séance et rapporter au coach ce qu’il s’est passé pendant ce mois.
André, lui, il préconise une autre méthode avec des séances en continu, toutes les semaines, une heure à chaque fois, vingt séances pour moi. Il paraît que ça bouscule plus, je veux bien le croire, j’ai testé. C’est court une heure, mais on part avec des devoirs pour l’inconscient. Moi, je réfléchis pendant ma semaine, plus ou moins consciemment et je fais mes devoirs au dernier moment sur ma moto quand je viens voir André, et puis aussi en gravissant les cent marches (oui, oui, cent tout rond) qui mènent à André, à son loft… et à mon inconscient.
Et puis il y a les associations libres, le voyage entre présent et passé, souvent dans l’enfance, le tissage des fils comme il dit, mais pas que. L’histoire, la construction de soi, c’est permanent. Il y a des grands voyages et des plus petits. Et donc il y a de l’inconscient, puisque tout y est classé, et des liens dans tout cela, entre tout cela. Et je crois bien que c’est ça qui est politiquement incorrect… que le coaching titille l’inconscient, donc pas d’états d’âmes, allons-y ! 
» 

*

« J’ai commencé un Coaching… enfin plutôt un accompagnement. Coaching ça renvoie au sport et si je dis psycho…, je vois déjà certains demander ce qui ne va pas dans ma tête, si je suis malade de la tête…
Et pourtant…
Pendant toutes mes études et même beaucoup plus tard, je n’aurais jamais imaginé cela. Peut-être le fait d’avoir vécu toute ma jeunesse à côté d’un hôpital psychiatrique ? Moi, pas besoin de ça, je suis normal.
Depuis quelques temps, c’est comme une évidence. L’approche des 50 ans peut être ? Oui, j’avais besoin d’un accompagnement, oui je le sentais depuis quelques temps que j’avais besoin de ce miroir pour m’aider à cheminer dans ma vie, oui je me rends compte que ça me fait du bien. Regarder derrière pour avancer… Quel chemin parcouru : j’avais banni de mon vocabulaire tout ce qui commence par psy ou psycho ou encore analyse ou dérivés. Je crois même me souvenir que je faisais un détour pour passer loin de la fac de psycho (ils sont quand même bizarre les psy, non ?), c’est tout dire ! Et maintenant, je vois André, l’homme qui m’aide à parler avec mon inconscient et qui me fait voyager dans ma jeunesse. 
[…] »

*

PSYCHO-VELO

Presque tous les Dimanches matin, je fais du vélo avec deux copains, en général 80 km en partant de la ville vers la campagne. C’est important ça, inconsciemment pour moi, de partir de la ville vers la campagne. Et comme je suis trop fatigué pour m’en rendre compte, on en profite pour revenir au point de départ, la ville.

On croise beaucoup de vélos, probablement un certain nombre de cadres stressés qui ont besoin de se détendre, beaucoup d’autres aussi.
Et puis il y a les automobilistes stressés, soit parce qu’ils vont déjeuner chez leur belle-mère, ou peut-être ont-ils raté la messe, qui sait ? Ils partent plus ou moins tôt, ce qui fait qu’ils sont présents sur presque tout le parcours, rendant dangereux notre plaisir dominical. Enfin, ce sont nos hypothèses, ça doit être important car ils préféreraient écraser un cycliste plutôt que de perdre quelques secondes à profiter de la vie. Et en plus c’est Dimanche, incompréhensible… Ils devraient plutôt se mettre au sport…

Un de mes compagnons de route est chirurgien. Dimanche dernier, il m’explique être allé voir un confrère en Alsace pour parler de chirurgie ambulatoire. Il m’explique face à mon air interrogatif (même en vélo, mes expressions se lisent sur mon visage…) que la chirurgie ambulatoire est un mode de prise en charge permettant de raccourcir votre hospitalisation pour une intervention chirurgicale à une seule journée. Vous rentrez donc le matin pour être opéré le jour même et ressortir le soir. La durée de séjour à l'hôpital est de quelques heures à moins de 12 heures.

C’est une tendance, ça existe déjà. Mais là, c’est pour une prothèse totale du genou. Âmes sensibles, sautez le paragraphe ! Il s’agit de couper les os en haut et en bas du genou et on remplace tout entre les deux : articulation, rotule, ligaments, tout ! Et le patient entre le matin à l’hôpital et sort après l’opération, un genou neuf en moins d’une journée. Incroyable. Et c’est possible, et d’ailleurs ça existe déjà.

Ma curiosité est tout excitée. Comment se fait-il qu’un chirurgien de Strasbourg le fasse et pas toi ? A la réflexion, c’est un peu direct comme question, mais bon, il faut gérer le souffle, l’effort de pédalage et le positionnement côte à côté, alors ça excuse les phrases courtes et concises.
Et là, il fait un parallèle avec les grandes entreprises et la motivation des équipes. Il m’explique que pour réussir cet exploit, il faut que toute l’équipe soit focalisée sur l’objectif, de l’amont à l’aval. Ça commence par les visites préliminaires où le chirurgien explique en détail au patient comment l’opération va se passer, avant, pendant et après, en détail. C’est une espèce de conditionnement, l’idée étant que l’inconscient du patient (et des opérateurs) intègre le processus. Très important me dit-il, il faut que toutes les équipes soient focalisées sur l’objectif, qu’elles aient tout anticipé, tout prévu, dans le sens de la rapidité et de l’efficacité, à tous les niveaux : anesthésie, infirmières, attelle réfrigérée… Il faut que tous les intervenants aient intégré que le patient doit et va sortir après l’opération. Il enfile ses vêtements, met ses chaussures et sort de l’hôpital. Certains se risquent à conduire pour rentrer chez eux !

Donc pour ce chirurgien, l’organisation, le partage de l’objectif et la motivation des équipes sont des valeurs de l’entreprise qu’il va rechercher pour mener à bien son projet. Intéressant !
Saviez-vous que le risque d’attraper des maladies en milieu hospitalier, en particulier des infections est proportionnel à la durée de séjour. Moins on y reste, moins il y a de risques.

Tiens au fait, moins on y reste, moins il y a de risques, ça s’applique aussi aux carriéristes. Vous avez remarqué que les high pot (hauts potentiels, prononcez « aïe pote »), restent assez peu longtemps dans les postes successifs, un an et demi à deux ans… Le temps de semer, mais pas forcément de récolter, partis avant la récolte, action (ou pas) et pas de réaction, et peu de risques de se planter. A l’inverse, celui qui occupe un poste dans la durée, il doit assumer les conséquences de ses décisions et de ses actions. Poète et Paysan, enfin, surtout Poète… pouet pouet !
Chez nous, on appelle la gestion des carrières le « Talent Development ». Les RH sont des « Talent Managers », même des « Talent Acquisition Director ». Dis si tu ne progresses pas, c’est que tu n’as pas de talent alors ? Et ça s’achète le talent… ? Mais dis-moi, c’est quoi le talent… ?

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UN MANAGER À NU - Les bienfaits du coaching en entreprise - Yvon ALAMER - Editions KAWA - Octobre 2016