05
JUI 17

La compagnie de la supervision

Imaginez un groupe où vous pouvez parler en groupe de tous vos tabous et de ce qui vous échappe ou se dérobe quand vous accompagnez : les ratés, les à-côtés, les à-peu-près tout ce qui sort du cadre et des modèles et qui vous met alors sur la piste du singulier. À la fois la répétition d'une histoire familière et oubliée et aussi les prémices d'une nouvelle issue qui se cherche, si vous prenez le temps d'élaborer.

Imaginez un groupe où c'est le groupe qui tisse le fil de chaque séance, sans que ce soit couru d'avance à travers des modèles, et sur un mode alors qui devient naturel et souvent dérangeant – oui, parce que ça déconstruit toujours plus ou moins pour reconstruire et créer.

Un groupe qui fait sa vie de groupe au fond : qui se défend et met chacun à l'épreuve de sa différence ainsi.

02
JUI 17

K.O.

Plonger dans le coma c'est peut-être comme dans un rêve : de la pleine inconscience !
Déplacements et condensations, le faux c'est pour de vrai, l'autre c'est soi, le ko c'est ok, la partie c'est le tout, beaucoup de violence, un peu de sexe – ou tout le contraire –, et tout se retourne toujours

Et c'est ça la trame de K.O., le film de Fabrice GOBERT. Comme les pièces d'un puzzle et la traversée dans les labyrinthes de la psyché, et de la vie aussi
Oui, sur un ring de boxe ou sur un plateau télé, au cachot ou au restaurant d'entreprise, une crise cardiaque ou une balle dans le thorax... tout ça c'est presque pareil au fond.
Ce film-là est un régal. Et le casting aussi : Laurent Lafitte. Chiara Mastroianni. Clotilde Hesme...
Absolument incontournable.
Un cocktail aussi de "Fight club" de 
David Fincher et "Stupeur et tremblements" de Alain Corneau.

28
JUN 17

Un acte manqué presque réussi

– Avec toute cette chaleur, j'hésite ! je lui dis en même temps que je m'allonge sur son divan. Oui, il fait tellement chaud, mais je ne sais pas si ça se fait ici ?
Et elle, forcément, comme elle ne sait pas où je veux en venir, elle me laisse dire. Avant, je voulais toujours qu'elle interagisse avec moi, mais elle n'a jamais vraiment répondu à ça. Et, au fil des séances, j'ai découvert que son silence me permet de trouver à quelle place je la mets quand je dis ce que je dis. C'est une question qu'elle me pose encore quand je m'enferme dans une boucle avec elle, – enfin sans elle puisqu'elle me laisse à mes jeux préférés –, la plainte, la bagarre ou la manigance. Parce que la place que je veux lui donner, et la place que je prends ainsi, mine de rien, c'est aussi la répétition d'une interaction ancienne, plutôt figée et qui finit par me coincer aujourd'hui. C'est ça aussi le transfert.
Et là, ce soir, c'est comme si je lui demandais une permission avec, en même temps, la crainte d'un autre temps qu'elle me dise non ! Alors je finis par lui dire ce que je n'ose pas encore lui dire.

21
JUN 17

Séparation, dépendance et transfert

C'est au square que j'ai aimé préparer la dernière séance de supervision à Paris 2 pour le Master Coaching. Oui, sur le thème de la séparation puisque c'était la fin.
Les années d'avant, je proposais de tricoter le fil existentiel de la finitude, une maille à l'endroit, une maille à l'envers : l'incontournable perte ou disparition de toute chose, l'angoisse plus ou moins consciente qui l'accompagne, et nos stratagèmes intimes pour l'ignorer ou la défier. Mais ça, c'était avant. Aujourd'hui, je préfère travailler "autour de". C'est sur le divan que j'ai appris ça, dans mes traversées sur les chemins de l'inconscient.


Et donc, au square, quelques jours avant la séance, j'ai observé un enfant découvrir des pigeons, essayer de les attraper et, en même temps, hurler « OUASOO… OUASOO », une manière de symboliser ainsi.

Et j'ai l'impression – mais sans doute ai-je projeté –, qu'il voulait non pas les attraper mais les étriper les pigeons. "Ne touche pas ! C'est sale !" lui lançait sa mère. Et moi, je montrais à l'enfant comment, avec des miettes de pain, les attirer un peu.

Tout ça m'a fait penser au jeu de la bobine, ce jeu que Freud observa chez son petit fils, Ernst, et qu'il décrit dans "Au-delà du principe de plaisir" : le "Fort/Da".
Freud vit jouer l'enfant avec une bobine en bois entourée d'une ficelle. Il jetait la bobine par-dessus son lit, elle disparaissait, tout en s’écriant  « o-o-o-o » qui est l'ébauche du mot « fort 
» (« loin » en allemand) ; puis l'enfant tirait sur la ficelle pour faire réapparaître la bobine et la ramenait à lui en s'exclamant « Da ! » (« là »).
Freud relie ce jeu à la situation de l'enfant à cette période : quand sa mère s'absentait pendant de longues heures. Le jeu symboliserait ainsi la disparition et la réapparition de la mère.
Et le jeu serait similaire à un espace psychique dans lequel l'enfant peut faire le lien entre présence et absence, dedans et dehors, lui et les autres… Dans cet espace qui apprivoise le manque, il ne se pose pas la question du vrai ou du faux, et plonge dans un univers singulier entre le réel et l'imaginaire où il peut déplacer, représenter, jouer ses émotions : c’est l'univers symbolique.
Pour Freud, la psyché de l'enfant va se construire sur ce prototype de la maîtrise de la présence-absence (de la mère, du corps).

Et j'ai aussi proposé un atelier sur tout le contraire de la séparation : les dépendances et les addictions.

Et puis encore, pour ceux qui le voulaient, un autre atelier pour tenter d'approcher et puis analyser le transfert qui s'était tissé, avec moi, au fil de l'année.
Trois ateliers en parallèle donc, et séparés. Et c'était bien.

En partage, ici, mes notes pour cette dernière séance.

15
JUN 17

Ce qui ne m'a pas tué hier

– Oulala ! Ça sent super fort chez vous aujourd'hui !, me dit le chasseur de souris quand je lui ouvre la porte ce matin.
Je trouve sa remarque déplacée, intrusive, mais comme il passe ici
tous les quinze jours, au petit matin, pour poser ses appâts et ses pierres à venin, forcément, il connaît bien les coulisses et tous les recoins. Alors il se croit peut-être en intimité.
– Oui, je lui réponds, l'eau d'ici est calcaire et mon fer à vapeur crache des cailloux et fait plein de taches jaunes sur mes chemises de lin ou de popeline.
– Ah oui ? il me dit avec un air un peu inquiet.
– J'essaie de le vidanger avec des sels d'acide citrique et puis aussi du vinaigre d'alcool mais c'est pire.
– Et votre prochain patient, il arrive à quelle heure ? il me demande encore plus intrusif je trouve. 

01
JUN 17

L'histoire sur le bout de la langue

"Dis, des fois, tu pourrais me donner un baiser doux ?" 
Tu me demandes ça parce que, là, je viens de t'embrasser et je vois bien que je fais un peu comme un chien. Oui, je te mords ou je te lèche. Et, des fois, je fais les deux à la fois parce que j'aime beaucoup le goût si particulier de ta peau sur le bout de ma langue et la sensation de ta chair entre mes dents. 
Et donc c'est vrai, ce n'est pas très doux. Mais, jusqu'à présent, je n'avais pas vraiment remarqué ma manière de faire. C'est peut-être par réflexe ou bien écrit dans une mémoire des origines.

Et je me demande s'il existe un art du baiser ? Le donner et le recevoir ? Et comment ça s'apprend alors ?

Moi, si je t'embrasse ainsi c'est aussi parce que de plus en plus souvent tu as Little Snow avec toi. C'est un chien, enfin une jeune chienne, avec un pelage tout blanc, très soyeux, et qui ressemble à un renard des neiges. Et quand vous vous câlinez toutes les deux, je te regarde faire, par en dessous. 

26
MAI 17

Par qui être accompagné ?

« Ce serait un homme ou une femme ? Plutôt jeune ou bien âgé ? Silencieux ou pas du tout ? Vous seriez allongé ou face à face ? … ?
Vous vous laissez aller ainsi entre vous, en petit groupe, fantasmer celui qui vous accompagnera.
»
C'était vendredi soir à Paris 2 et c'est comme ça que j'ai commencé la supervision en groupe. Et, dans la foulée, sans rompre le fil, j'ai proposé de continuer comme ça, enfin d'ouvrir un peu à d'autres, sur le fil des jeux de transfert :
« Chacun de vous se retourne un instant vers le reste du groupe et choisit celui ou celle qui semble le plus proche de son fantasme : homme ou femme, plus ou moins âgé, silencieux… Et puis alors vous faites de la place à ceux-là dans votre groupe. Et une fois tout à côté, vous continuez en racontant en quoi il ou elle est proche de ce que vous imaginez ? Et puis aussi en quoi il ou elle est bien différent, 
par certains côtés, peut-être ? »

Et j'ai proposé encore un moment ainsi, toujours sans rompre le fil. Oui, parce que d'habitude je fractionne les séquences, mais là j'aime le mode fondu enchaîné :
« Et enfin, sur le fil de vos souvenirs, vous vous demandez ce que ça vous évoque cet autre, cette relation-là ? »

Donc tout ça, c'était l'autre soir, pour le Master Coaching. Sixième séance. Avec une question qui avait surgi la séance d'avant, à la pause : Par qui être accompagné ?
Et moi, forcément j'avais un parti pris, une réponse très orientée psychanalyse ! Alors j'ai imaginé ce cheminement-là pour laisser à chacun se raconter son histoire : du futur, vers le présent et puis vers le passé. Parce que tout ça, c'est très entremêlé sur la scène de l'inconscient.

Et au bout du compte, au bout de ce cheminement-là, il y en a qui ont entraperçu que leur fantasme, la figure de l'autre, celui qu'ils voulaient pour être accompagné, c'était comme une répétition dans le sens de leur histoire intime… ou bien à contre-sens. 

Et la trame de la séance, là, en partage. 

19
MAI 17

Les antécédents familiaux

"Et pourquoi tu ne prends pas un amant ?" C'est sa mère qui lui a proposé ça l'autre jour. Elle raconte ça à sa copine tout à côté d'elle, en terrasse. L'une blonde, l'autre brune, plutôt chics en apparence, elles se partagent une planche mixte, cochonnailles et fromages, et un pochon de rouge. Et moi je suis à deux tables de là, Grimbergen et cacahuètes.

J'aime bien me poser là, des fois, pour écrire. C'est juste derrière l'UNESCO et c'est calme d'habitude. Et là, j'ai envie d'écrire sur un moment un peu fou, l'autre soir, avec ma psy quand j'avais un couteau dans ma musette. J'ai pourtant décidé de ne plus écrire sur mes séances parce que je sens bien que ça interfère avec l'analyse. Enfin c'est une forme de répétition, je rejoue l'enfant qui fait son malin, qui veut se donner à voir, par l'écriture. Et puis, comme je lâche un peu les défenses, ça paraît de plus en plus fou mes séances. Ma psy m'a demandé si j'espérais être compris en publiant mes histoires comme ça, sur mon blog. Et ça m'a un peu calmé sa question parce que, non, évidemment c'est incompréhensible tout ça.

Mais j'ai aussi arrêté mon autofiction – Fais le beau, Attaque ! , parce que ce n'est pas du tout une fiction finalement et c'est attaquant, très blessant, pour ceux qui sont dans mon histoire. Mais l'écriture est une drogue pour moi et l'histoire de l'autre soir ce n'était pas vraiment pendant la séance, non c'était juste devant sa porte, alors ce n'est pas trop gênant, je pense. 

07
MAI 17

Et toujours elle m'écrivait

Et toujours elle m'écrivait. Le titre de ce livre reste longtemps comme une énigme au fil de ses pages. Oui, qui est celle qui écrivait, toujours ? Et comme il s'agit d'histoires d'enfance, enfin de psychanalyse, c'est aussi un peu comme une devinette. Si vous avez déjà voyagé sur un divan, cette devinette-là est facile puisque c'est une femme et souvent il n'y en a qu'une qui, attachante ou attachée, débordante ou manquée, se rappelle à soi. Les autres ne sont alors que des répétitions, plus ou moins déguisées.

La trame du livre est aussi celle d'une énigme à la recherche du secret des origines, de la "scène primitive". C'est un récit de divan donc et, ces récits de voyages sont plutôt rares car il y a la règle d'airain qui veut que jamais rien ne sorte du cabinet du psy. Mais ici même le psy met à mal tout ça. Oui, après une première tranche avec "une cerbère mutique" et puis une autre avec Pierre Fedida, "un psy qui ressemblait à Einstein", Philippe Grimbert, le troisième analyste de l'auteur, qui est aussi écrivain (Un secret, La mauvaise rencontre) se glisse entre les pages de son ancien patient. Il en ponctue le récit, par petites touches, interprète, suggère des liens, souligne le sens caché des mots (imper, pater). Comme en analyse aussi.
Et si la règle est enfreinte ici c'est parce que Grimbert "aime ce qui n’est pas orthodoxe [
] et que la psychanalyse a besoin d'être démythifiée, comme tout ce qui inspire une terreur sacrée." (*)

Et j'ai aimé ce livre-là pour tout ça : le récit comme une enquête policière tout au long des années, les voyages à travers l'histoire familiale et les névroses, la mise au jour de ce qui ne se dit pas, et tout le maillage de la psyché, les lignes du psy en contrepoint et sans jargon, les liens entre psychanalyse et écriture, les séances avec Pierre Fedida 

J'ai beaucoup aimé, même si ça finit un peu en accéléré avec la dernière tranche et une technologie qui fait Bzibzi Beeep Beeep que Grimbert, dans un acte manqué, voudrait écrire MERD ! Oui, ça s'accélère, ça semble forcer des liens mais c'est sans doute parce qu'au fil des années, l'inconscient avait été retourné, de fond en comble. 

05
MAI 17

Groupe de Pratiques Collaboratives

Cultiver le "vivre-ensemble", l'économie du partage, prendre soin des biens communs… Développer l'intelligence collective, l'innovation collaborative… Dans la cité comme dans l'entreprise, chacun appelle de ses vœux la coopération. Mais tout ça ne va pas de soi. Oui, parce qu'un groupe est propice à toutes les passions au fond, autant créatrices que destructrices.

Et c'est pour ça que, sur le fil de nos accompagnements et à l'écart des outils à la mode, Eva et moi on aime créer les Groupes d'Analyse de Pratiques Collaboratives. Pour faire du travail en groupe, l'objet de travail d'un groupe. C'est en duo, au féminin-masculin donc, et c'est vraiment précieux pour une écoute sensible des passions au cœur d'un groupe. 
Et c'est pour la rentrée.

Bienvenue à ceux qui aiment diriger ou animer des équipes, former ou accompagner des groupes, en entreprise ou en réseau.

25
AVR 17

Des biens pas communs

C'est fou, toi et moi, on n'a rien en commun, elle m'a dit ce matin-là. Je ne sais pas trop pourquoi elle m'a dit ça, comme ça, à son réveil. Peut-être parce qu'elle pensait soudain à ses travaux et ses recherches sur "La psychologie du collaboratif" et moi, si c'est ça, je donne volontiers mon corps à sa science. Mais vraiment aucun point commun !, elle a renchéri. Ce mot-là – renchéri –, c'est moi qui l'ajoute ici parce que je le trouve joli. Mais c'est bizarre quand même, ai-je pensé, parce que dans l'imaginaire populaire, s'aimer c'est se trouver plein de points communs et se retrouver ensemble autour de tout ça aussi. "Qui se ressemble s'assemble", comme on dit. 

18
AVR 17

Examen d'inconscience

C'est comme ça chaque année, on est d'accord, au beau milieu du fil de la supervision en groupe, Thierry Chavel – le boss du Master Coaching à Paris 2 –, vient un moment à l'écoute des questions des étudiants, et peut-être aussi de leurs angoisses, à l'approche de tous les rituels pour avoir le diplôme : épreuves écrites, mémoire, soutenance.
Et 
d'habitude, une fois Thierry reparti, moi je passe du coq à l'âne : je reprends mon fil. Thématique, didactique.
Mais là, et de plus en plus, j'en fais de moins en moins. Enfin j'apprends à laisser le groupe tisser de lui-même.
Et donc ce soir-là, c'était la cinquième séance et j'ai aimé continué avec ce fil-là des peurs et des vieilles histoires, des fantasmes et des répétitions qui se trament derrière les rituels qui s'annoncent. A l'école du coaching comme depuis longtemps sans doute, pour chacun.

Voyage au fil des souvenirs donc. D'abord en duo, à demi silencieux. Et puis ensuite en petit groupe Balint sur les questions de mémoire et d'écriture.
Ni supervision ni coaching d'équipe, ni codev ou techniques à la mode, le groupe Balint c'est l'une des formes de l'analyse en petit groupe et au naturel : sur le fil des associations libres, sur le fil de l'inconscient d'un groupe. (*)

En partage ici, la trame de cette séance.

(*) Dans son nouvel ouvrage, La psychologie du collaboratif, Eva nous raconte aussi plein d'expériences sur la "groupe-analyse" et les ressorts intimes, les processus inconscients et la conflictualité au cœur des groupes humains. Et c'est inspirant, je trouve, pour sortir des "déroulés" élucubrés a priori.  

12
AVR 17

Garder trace du passage

– Dis, tu sais, tous ces poils partout sur ton corps, sur ta peau, un peu comme un animal ?
Tu me dis ça et, en même temps, tu fourrages, tu t'emmêles le bout des doigts et tu te mets à grogner, comme si tu retrouvais soudain un peu de ta part animale à toi. Tu fais ça aussi avec ton chien. Au début, je te regardais par en-dessous parce que ça me rendait jaloux. Mais j'ai parlé de ça sur le divan et j'ai découvert que ça me ramenait directement au milieu de la meute de mon enfance avec les animaux et les autres enfants, et donc aujourd'hui ça s'est un peu apaisé. Et toi, tu continues sur le fil de tes idées :
– C'est comme un pelage, tu sais ?
– Oui ? je te réponds parce que je ne sais pas trop où tu vas en venir. Et je te laisse faire.