02
JUN 11

Le lin déjà froissé

Ce matin-là, dans le chaudron magique,
ni l'ogre en tutu ni la fée au couteau n'étaient au rendez-vous
Elle marche sur le parquet de chêne comme dansent les biches
Et la patineuse à glace glisse comme jadis
Il y a, dit-elle, une lumière de pluie sur le sentier des crêtes.

*

Dans le jardin des simples
la femme
triste et sauvage enfile ses gants Mapa
et, rageusement, arrache une pleine brassée d'orties
là
entre le thym et la mélisse, l'hysope et la sauge
Pour le fouetter, le punir, à fleur de chair
Mais elle ignore que l
'ortie blanche ne pique jamais.

*

Sa robe de lin est hélas déjà froissée
quand l'escalier mécanique la pousse au grand jour
au bord de la bouche du Métropolitain
Elle se retourne un instant sur le mouvement des vagues
et des lames d'acier trempé
Par le vent, cette femme-là aime se faire lécher
le dessous et le bout des pieds
Et elle marche comme elle danse le slow
Caba Coco Chanel en bandoulière
et au bout des doigts une gamelle de chantier et d'autrefois
de la couleur très spirituelle d'une soutane d'Évêque
Puis elle s'élance sur la plus grande avenue du monde
comme on se jette à l'eau les soirs d'été
Sa vie sera forcément trop courte.

***