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FéV 10

Supervisions

Les ouvrages sur la supervision sont trop rares pour ne pas les signaler.
Loin des manuels pratiques et des guides techniques qui foisonnent en coaching, encore réservés au champ de la psychanalyse et de la psychothérapie, ces livres nous invitent
à la réflexivité et à un retour aux sources de notre métier.
« Supervisions » est un bel ouvrage collectif
, publié par la Revue de la Société Française de Gestalt. Il réunit des articles de superviseurs, gestalt-thérapeutes, et des témoignages de supervisés. Avec des vignettes cliniques, des éclairages théoriques, des lignes toujours sensibles et souvent poétiques. Car la gestalt, art du contact et de la présence, est aussi source de poésie !

Voici un extrait en partage.


En manque de supervision
« Depuis plusieurs mois je n'ai plus de superviseur. C'est un choix.
Pour être psychothérapeute je me suis beaucoup formé, et je compte actuellement cinq années de supervision en groupe. Je pense être assez fort désormais pour m'en sortir seul. Et une journée chaque mois pour la supervision c'est prenant, fatiguant et… onéreux. J'expérimente donc de travailler seul.
Toutefois je ne vois plus de collègues. Et ça me manque terriblement.
Ma motivation semble baisser. Être psychothérapeute seul, pratiquer sans partager ce que je vis ? C'est difficile, peut-être impossible pour moi, je le découvre. Et ne plus sentir de manière vivante que j'appartiens au groupe social des psychothérapeutes, ça semble enlever du sens à ma pratique. La supervision en groupe m'encourageait, me mettait en perspective et m'amenait des repères.
D'autre part, je sens un peu plus d'anxiété en moi. Que se passe-t-il entre ce client et moi, que je trouvais pourtant très sympathique et facile lors des premières séances ? J'ai désormais une petite appréhension à le recevoir. Il est médecin, c'est-à-dire soignant. J'ai l'impression que c'est lui qui me soigne, et que bientôt nous allons changer nos places. Dans l'ici et maintenant de la séance je n'ose lui en faire part. J'ai besoin de « dérouler » ce qui se passe. La super-vision me permettait de décrire, décortiquer et partager la situation. Désormais je ne peux le faire et porte seul cette difficulté. Je me sens plus lourd En même temps, expérimenter ma pratique de psychothérapeute seul, sans supervision, correspond pour moi à un besoin. Je peux me faire confiance, ainsi qu'à mes clients et peaufiner mon style et ma spécificité, sans influence. Trouver quel thérapeute je suis, me tester. Mes années de formation et les expériences qui les accompagnent sont en moi et me donnent de la force. Mes années de super-vision aussi. Elles sont actives.
Mais peut-être la supervision en groupe amène-t-elle un moule ? Et la saine envie de le casser à un moment donné ? Se passer de supervision quelques temps me semble une étape nécessaire pour ressentir le manque… et la liberté de choisir.
Dans ma relation au superviseur, j'ai besoin de me sentir avec un psychothérapeute expérimenté. Mais il est clair que ce n'est pas mon thérapeute, même si le travail que nous faisons ensemble est thérapeutique.
Notre lien est fort, et je peux compter sur son soutien. Je suis encouragé, renforcé. Il ne juge pas ma pratique, il m'aide. Il est bienveillant. Il me fait des retours, interpellants et bousculants si nécessaire, mais il prend soin de moi, comme un thérapeute. Il est sensible à mon évolution personnelle et professionnelle. Je me sens en sympathie et en estime réciproques avec lui.
Il peut entendre mon désaccord. Il éclaire les situations en éveillant mon contre-transfert. Son expérience me guide.

La supervision permet au psychothérapeute de prendre un temps pour soi, de manière à regarder avec un superviseur, en groupe ou en séance individuelle, autant sa pratique que comment il est avec sa pratique. Ceci se passe dans un cadre précis, dans une relation de reconnaissance mutuelle. » Jean-Paul Cambronne.

En savoir plus : Revue Gestalt n° 35 – 2008/2
Supervisions

Photo : Sculpture de Béatrice Granjean.
« Être thérapeute ne se fait pas tout seul, mais émerge et se lance à partir du support d'un autre, comme le figure la danse de la couverture. »

Un autre ouvrage clé : La supervision en psychanalyse et en psychothérapie. Alain Delourme,
Edmond Marc et al.