20
JUI 16

Couleur caramel

Quand j'ai dit que je n'étais pas doué pour le latin ce n'est pas tout à fait ça. Oui, plutôt qu'à la messe ou dans les pages roses du Larousse, c'est avec mon père, au contact, que j'aurais préféré apprendre cette langue-là. Mais il ne parlait pas beaucoup avec nous mon père. Plus tard, comme sa passion c'était de bricoler – créer des verrières et des volières, souder à l'arc, installer l'électricité –, c'est dans son atelier que j'ai trouvé une manière de parler un peu avec lui et autour de mes bricolages (réparer mon vélo, régler la tondeuse à gazon de la voisine, débrider ma mobylette, etc). Et j'ai réalisé, il y a peu de temps, que j'ai aussi appelé "atelier" le lieu où j'accompagne (un lieu pour parler un peu la langue de l'inconscient).

16
JUI 16

Sur le fil du transfert

Si on en est là, maintenant, c'est avec votre besoin de tisser le fil, de ne pas couper court ! Oui, vous n'avez pas voulu changer de superviseur même si, le travail à peine engagé, le programme prévoyait de zapper. Alors moi j'ai bien aimé faire en sorte que ce soit possible ainsi. Parce que c'est essentiel d'accompagner sur un fil, sur un fil de séances, sur le fil de l'inconscient avec tout ce qui pulse et se manque, ce qui se désire et se répète. Et alors c'est avec ça que l'on va continuer cet après-midi, cette faculté originelle de faire des liens entre soi et l'autre, entre le passé et le présent, entre les frontières, entre tout et son contraire, etc. Oui, parce que nous sommes des êtres de lien, au-dedans de soi (notre représentation du "réel", notre imaginaire...) et au-dehors : nos relations, familiales, amoureuses, amicales, de travail. Et vouloir accompagner c'est vouloir faire du lien son métier. []

Deuxième séance de supervision, l'autre mardi, à l'université de Paris-Dauphine et c'est ainsi, sur le fil, que j'ai choisi d'accompagner. 

07
JUI 16

Amandus Legis Armandus

J'ai évoqué ce surnom de "Théologien" que, dans mon enfance, j'ai reçu de l'Oncle Paul, le cousin jésuite qui venait parfois déjeuner avec nous le dimanche. Et même si à l'époque je ne savais pas trop ce qu'était la théologie, même si pour mon petit frère le surnom "Donald Duck" était un projet plus divertissant, moi j'aimais bien mon étiquette parce que ça m'évoquait quelque chose de religieux. Et c'était alors une manière de me sentir proche de mon père, de son histoire mystérieuse et secrète de sa vie d'avant. Certes, c'était comme une appartenance prescrite, reçue d'un autre homme d'église, avec un air de répétition alors, mais sans obligation ni privation, sans liturgie ni voeu de chasteté.

Et pour tisser davantage cet héritage-là, comme mon père parlait souvent le latin, j'aimais beaucoup plonger et me perdre au beau milieu du Petit Larousse, dans les pages roses, entre les noms communs et les noms propres, là où il y a plein de citations et d'expressions latines. Et j'avais très envie d'apprendre cette langue-là, différente de ma langue maternelle. Et c'est pour ça que plus tard, même si je n'étais pas doué pour les langues mortes ou étrangères, j'ai choisi de faire du latin à l'école.
Il y avait aussi une devise en latin sur le blason familial : Amandus Legis Armandus. Ça veut dire "Armand ne peut vivre que pour l'Amour". Armand c'est une partie de mon nom de famille.

Mais derrière tout ça, derrière l'invitation à l'amour, derrière la théologie et l'enfant programmé pour être sage, c'était compliqué pour moi parce que je sentais aussi tout le contraire souvent. À la fois autour de moi et au fond de moi. Oui, mon goût pour le désordre et le combat était bien présent déjà. Et je me souviens d'un épisode cruel dont j'ai été l'artisan et que j'ai toujours gardé secret alors.